Agence France-Presse Le Pentagone, suivant les ordres du président George W. Bush, a décidé promptement de tuer dans l'oeuf un service du Pentagone, dont l'intention de mener, entre autres, des campagnes de désinformation auprès de la presse étrangère avait suscité un tollé médiatique aux États-Unis.
Le mardi 26 février 2002
Mort du «bureau de désinformation» du Pentagone
Jean-Michel Stoullig
Agence France-Presse
WashingtonLe secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld a annoncé mardi la fermeture du Bureau de l'influence stratégique, créé après les attentats terroristes du 11 septembre, en soulignant que de toute façon la réputation de ce service avait été mortellement atteinte.
«Il y a eu tellement d'articles sur ce bureau, de commentaires en partie erronés, de caricatures (...) qu'il m'a semblé évident que le bureau était si dénigré qu'il ne pourrait fonctionner efficacement», a dit le ministre aux journalistes.
Le New York Times avait la semaine dernière braqué le projecteur sur le Bureau, en révélant, grâce à des fuites, qu'il envisageait notamment de semer de fausses nouvelles dans la presse étrangère.
Le service mort-né avait, selon le Pentagone, été créé peu après le début de la campagne contre le terrorisme en Afghanistan pour contrer «les mensonges des talibans et d'Al-Qaeda».
Exprimant son mécontentement face à la controverse publique à son retour d'une tournée en Asie, M. Bush avait souligné lundi que son gouvernement «ne mentait pas aux Américains».
«Pour la défense de la liberté, la vérité est aussi indispensable que la force des armes», avait-il déclaré en demandant à M. Rusmfeld de prendre les mesures appropriées.
L'administration en tout cas n'a pas perdu de temps en arrêtant ce projet, discrètement critiqué par des militaires, et qui avait provoqué une levée de boucliers, non seulement à l'étranger, mais dans la presse américaine de gauche comme de droite.
Le Washington Times, conservateur, a ainsi parlé lundi de «stupidité», regrettant «le fiasco de propagande créé» par le Bureau de l'influence stratégique.
M. Rumsfeld n'a pas voulu confirmer mardi que l'idée de la désinformation avait été évoquée. Mais il a souligné que le département de la Défense américain «ne s'y livrait pas, ne l'avait pas fait et ne le ferait pas».
À la question de savoir «si la crédibilité du Pentagone avait souffert», le ministre a répondu: «J'en doute, j'espère que non. Si c'est le cas, nous allons la restaurer».
Donald Rumsfeld avait déjà affirmé dimanche que «le Pentagone ne ment pas au peuple américain. Il ne ment pas aux publics étrangers. Il ne fait pas ce genre de choses».
Il a cependant souligné que la campagne officielle pour promouvoir l'image des États-Unis dans la guerre mondiale de l'information serait poursuivie.
Depuis le début de la campagne militaire en Afghanistan, M. Rumsfeld a plusieurs fois prévenu les journalistes qu'il ne dirait pas toute la vérité pour raisons de sécurité, en assurant toutefois qu'il leur ne mentirait pas.
La désinformation est généralement associée aux services de renseignement comme la CIA, mais les militaires y ont recours pour le combat contre l'ennemi, selon Steve Aftergood, expert à la Fédération des savants américains (FAS).
«Tromper l'ennemi, notamment sur le plan tactique, est un outil classique des militaires, de même que les opérations psychologiques», a-t-il dit.
Comme d'autres experts, Steve Aftergood a souligné qu'à l'époque de l'internet et de la globalisation, il serait illusoire de chercher à mentir à des médias étrangers, notamment aux grandes agences de presse, sans que les fausses nouvelles ne reviennent aux États-Unis.
Pour s'opposer aux «contre-vérités» de l'adversaire et redorer son image de marque dans le monde musulman, l'administration américaine a aussi créé après les attentats un Centre d'Information de la coalition - qui est maintenu - pour coordonner le message allié à Washington, Londres et Islamabad.
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